J’ai eu la chance d’avoir vingt ans dans les années 70. c’était une période excitante pendant laquelle tout semblait possible, mais sans doute pour chacun d’entre nous tout semble possible quand on a 20 ans.
Je ne suis pas mystique ! Pas du tout. Mais un phénomène étrange s’est produit. Cinq ans avant de le rencontrer, et alors que j’ignorais même jusqu’à son existence je suis tombé par hasard sur une émission de la télévision suisse qui lui était consacré. Il sortait du cadre et une évidence s’est imposée à moi. Nous allions nous rencontrer et faire des choses ensemble sans que je n’ai eu la moindre idée de comment cela allait pouvoir se passer.
Dans ces années la j’ai eu l’opportunité de côtoyer de nombreux artistes qui pour la plupart brillaient sur la scène rock française naissante. C’est la photographie qui m’a permis de façon tout à fait inattendue de côtoyer ce monde à priori non pas inaccessible mais en tout cas très loin de moi.
C’est avec Jacques Higelin que tout a commencé. Après avoir vu des photos que j’avais fait de lui lors d’un concert il m’a demandé de réaliser pour lui la pochette du prochain album « irradié » qu’il venait de terminer. J’ai réalisé pour lui par la suite deux autre pochettes d’albums, « Alerter les bébés » et « No man’s land » et l’une d’un single « Denise ».
Nous sommes devenus très proches au point que je me suis installé chez lui à la « Bergerie » dans le parc du château qui abritait alors les studios d’enregistrements mythiques que Michel Magne avait conçu et créé le premier studio résidentiel au monde. C’est à dire que contrairement aux studios installés généralement dans les capitales en Europe ou aux U.S. et dans lesquels les musiciens enregistraient des sessions et repartaient après jusqu’au lendemain, à Hérouville les musiciens avaient chacun leur chambre et prenaient leur repas sur place. Ce qui changeait beaucoup de choses jusqu’à la qualité des enregistrements qu’ils produisaient.
Dans ces studios atypiques se profilaient les ombres de Georges Sand et Chopin mais plus récemment celles d’Elton John qui y a fait un album « Honky Château » mais bien d’autres tel David Bowie pour « Pin Ups », Iggy Pop, les Bee Gees pour « Saturday Night Fever », les Rolling Stones et de nombreux artistes français.
Il y avait un échange permanent entre Le « Château » et la « Bergerie » situés dans le même parc à 150 m d’écart. Les musiciens des groupes enregistrant au château passaient à la Bergerie. J’ai le souvenir de l’arrivée du bassiste de « Point Blank » un groupe de rock du sud des Etats Unis à la Bergerie, dans la grande salle de répétition ou je m’étais installé pour jouer seul sur la batterie. J’ai probablement quelques qualités mais en musique clairement je ne suis pas bon, et même pire. Je profitais donc des moments où le studio de la Bergerie était libre pour brancher une guitare ou un piano et mettre le son à fond. Un jour donc, j’étais seul et tranquille et je mettais installé sur la batterie à faire « Chack poum poum » et « Chack poum poum » et « Chack poum poum » lorsque ce bassiste de « Point Blank » est rentré dans la pièce (A cette époque tout était ouvert tout le temps …..) et en s’emparant d’e la basse posée là m’a, d’un geste fait signe de continuer. Ce moment qui n’a heureusement pas duré très longtemps car après avoir lui même « pluggé une basse et m’avoir fait signe de continuer il ne lui a fallu qu’une minute pour qu’il se rende compte que je n’état qu’un « Chack poum poum-eur de banlieue ».je me souviens encore aujourd’hui de cette terrible épreuve pour mon ego.
Mais j’ai passé des moments très agréables à la « Bergerie » avec des personnes qui ont tenus et tiennent encore pour certains le haut de l’affiche, tels Louis Bertignac, Jean-Louis Aubert, Corine Marienneau.Richard Kolinka. Starshooter …….
Bon, mais revenons à Jacques, je suis devenu auprès de lui son régisseur général, son secrétaire, son chauffeur, son confident. Une sorte de « Maître Jacques » de Molière, Nous avons roulé beaucoup ensemble dans Paris pour se rendre à des interviews, à des émissions de télés ou de radios. Je conduisais la Peugeot que mes parents m’avaient donné. Et lui connaissait Paris comme sa poche pour y avoir trainé de quartiers en quartiers. Il me disait : »Prends par là, c’est plus court . Il était mon GPS. Il aurait pu être chauffeur de taxi. à l’aise !
Et en province j’ai le souvenir d’une arrivée sur Carcassonne où il allait donner un concert le soir même. A cette époque les tournées avec Jacques ne se passaient pas dans des cars Pullman climatisés. C’était « ambiance Débrouille ». Cette fois ci nous étions Jacques Kuelan et moi dans une Renault d’un loueur et dont j’ai oublié le modèle. Les musiciens et les techniciens se débrouillaient chacun de leur côté, mais la magie chaque soir, c’était que tout le monde était là, en place et que les concerts se déroulait parfaitement avec la folie que Jacques savait y mettre.
Pour en revenir à la route, nous étions tous les deux, Jacques et moi amoureux des chansons de Charles Trenet, amour qui pour une grande part nous avait été légué par nos parents respectifs. Alors bien sur en nous approchant de Carcassonne cette chanson de Trenet c’est imposée.
« Ah quel bonheur à la porte du garage Quand tu parus dans ta superbe auto, papa Il faisait nuit mais avec l’éclairage On pouvait voir jusqu’au flanc du coteau Demain, demain sur la route de Narbonne Toute la nuit, le moteur vrombira Et nous verrons les tours de Carcassonne Se profiler à l’horizon de Barbeira »Ce sont des moments merveilleux que je n’oublierai jamais.
Jacques était généreux, ou plutôt : L’argent n’était pas un sujet sérieux. On n’en parlais jamais.. J’ai passé auprès de lui des années magnifique. Il jouait avec les mots, avec les situations, avec l’absurde, avec le magnifique en permanence. j’ai été également le témoin de Kuelan lors de leur mariage à la mairie d’Hérouville en Vexin en 1978.
Lorsque j’ai rencontré Jacques il avait sorti un premier disque de rock « BBH 75 » qui tranchait avec tout ce que nous avions entendu précédemment. Il s’agissait d’une expérience tout à fait nouvelle qui suscitait l’intérêt de beaucoup d’adolescent et de jeunes adultes à l’époque.
À ce moment-là il était considéré comme un « Pape ».